Le Gouvernement troublé devant la cascade de protestations du Maroc

Rabat envoie, en moins d’un mois, cinq communiqués sur Ceuta et Melilla

Ignacio Cembrero- Madrid – 10/08/2010

Les communiqués de protestation du Maroc sont maintenant presque quotidiens. Entre vendredi et lundi, le Ministère des Affaires étrangères marocain a émis pas moins de trois, le dernier était hier pour exprimer son « étonnement » de ne pas avoir reçu « aucune réponse officielle » espagnole aux plaintes précédentes. « Il donne l’impression qu’il veut entrer dans le livre Guinness des records », ironise un chroniqueur marocain.
La note de protestation d’hier a été la cinquième en moins d’un mois. Les quatre précédentes dénonçaient le comportement « raciste » de la police avec des citoyens marocains à la frontière de « Melilla occupée » et de la Garde civile avec des subsahariens près de Ceuta. « À 17 personnes – dont huit sont des sous-sahariens – des blessures multiples et des traumatismes ont été infligés », rappelait le texte marocain.

Le Ministère espagnol d’Affaires Etrangères a répondu, en juillet, aux deux premiers communiqués marocains, mais il a gardé le silence face aux suivants. Le ministre, Miguel Ángel Moratinos, « ne veut pas entrer dans une spirale de répliques et de réponses qui ne conduit nulle part », a expliqué l’un de ses collaborateurs.

La diplomatie espagnole est surprise et déconcertée par cette cascade d’accusations de Rabat, sans précédent depuis qu’en 2004 la relation bilatérale a expérimenté une amélioration remarquable après l’arrivée du parti socialiste espagnol au Gouvernement. Aucun haut responsable du MAE n’a voulu hier évaluer la tension croissante avec le Maroc, qui dans un pays si hiérarchisé obéit, sans doute, à une décision du roi Mohamed VI.

Au sein du Parti Populaire, par contre, ils connaissent bien les causes de l’attitude de Rabat. Il profite de la « faiblesse » de l’Exécutif de José Luis Rodríguez Zapatero, comme l’a souligné dans une conférence de presse, la sénatrice populaire de Melilla Maria del Carmen Dueñas. Avec quelle intention ? Dueñas ne l’a pas expliqué.

Aux prononcements du Ministère marocain des AE, s’ajoutent les concentrations de protestation devant les bâtiments de l’État espagnol au Maroc, d’abord l’Ambassade de l’Espagne, après les consulats de Nador et de Tetouan et, hier, l’Institut Cervantes de Rabat. Parfois des immigrants subsahariens se trouvent à la tête de ces manifestations.

Dans la condamnation des « comportements provocateurs » de l’Espagne, s’ajoute aussi le secteur le plus officieux de la société civile. Amina Bouayach, présidente de l’Organisation Marocaine de Droits humains, a fait dimanche un appel aux ONG espagnoles pour qu’elles « prient instamment son Gouvernement à respecter (…) l’intégrité physique des personnes » qui traversent les frontières.
Selon l’agence de presse officielle marocaine MAP, deux ONG espagnols, Andalousie Accueille et Pro-droits Humains d’Andalousie, ont déjà répondu à cet appel, « en exigeant à Madrid d’éclaircire ces incidents très graves » à la frontière. Ses déclaration sont, en réalité, beaucoup plus nuancés.
La plus crédible des ONG marocaines de droits humains, l’AMDH, a refusé, pour l’instant, de polémiser ouvertement avec les autorités espagnoles.

Avant même l’apparition de la tension actuelle, la relation de Madrid avec Rabat ne passait pas par son meilleur moment. Le Maroc manque d’ambassadeur en Espagne depuis presque huit mois.
Mohamed VI a désigné au début de l’année, pour le représenter en Espagne, Ahmed Ould Souilem, un sahraoui que jusqu’à juillet 2009 a occupé des postes de responsabilité au Front Polisario, avant de passer au Maroc. L’initiative n’a pas plu au Gouvernement espagnol, qui a tardé jusqu’au mois d’avril, un peu plus que d’habitude, pour lui donner son accord. Depuis cette date-là le roi n’a pas signé sa nomination comme ambassadeur.
A l’instar de ce qu’il s’est passé en 2002, lors de la crise de l’îlot de Persil, , la presse algérienne a été la première à s’aligner avec l’Espagne contre le Maroc. : ‘Ne se Souvient-il Pas, le makhzén (la cour royale) que dans la même ville de Melilla ses forces criblaient, il n’y a pas longtemps,les subsahariens qui essayaient d’atteindre désespérément le sol espagnol ?’, se demande le quotidien Le Jeune Indépendant dans un éditorial.

EL PAIS, 10/8/2010

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