La présidente de Solidar Tunisie, Mme Lobna Jeribi, n’a pas manqué de soulever la question du blocage institutionnel qui est en train d’entraver le dialogue social en Tunisie, alors même que le dialogue est une culture ancrée dans la société tunisienne depuis l’indépendance. Des sujets brûlants et urgents ont été relégués au second plan, ce qui a engendré des pertes colossales pour l’économie nationale. D’où l’importance de jeter les bases d’un dialogue social efficace qui gagnerait à être institutionnalisé, soutient-elle
Le Conseil national du dialogue social a démarrémarré ses activités en tenant la première réunion entre les représentants des divers partenaires sociaux, lundi dernier, 11 décembre. Quels sujets vont-ils négocier ? Comment vont-ils procéder pour débattre des problèmes socioéconomiques ? À vrai dire, cette institution vient de s’installer. Même si son objectif est clair, les modalités, les mécanismes et les procédés sont encore flous, indéterminés.
C’est dans ce cadre que le think tank Solidar Tunisie a tenu, hier, un débat sur cette question de grande acuité : « Quel dialogue social en Tunisie? », en présence des partenaires sociaux, à savoir l’Utica, l’Ugtt, l’Utap, des membres de la société civile, ainsi que des représentants des syndicats et des comités socioéconomiques internationaux.
Au cours du débat, il était également question de présenter les grandes lignes d’une étude en cours de réalisation par Solidar Tunisie en collaboration avec la fondation allemande Friedrich Ebert Stiftung. Elle fera l’objet des recommandations synthétisées pour la mise en œuvre d’un dialogue social efficace en Tunisie.
Dans son mot d’ouverture, la présidente de Solidar Tunisie, Mme Lobna Jeribi, n’a pas manqué de soulever le blocage institutionnel qui est en train d’entraver le dialogue social en Tunisie, alors même que le dialogue est une culture ancrée dans la société tunisienne depuis l’indépendance. Des sujets brûlants et urgents ont été relégués au second plan, ce qui a engendré des pertes colossales pour l’économie nationale. D’où l’importance de jeter les bases d’un dialogue social efficace qui gagnerait à être institutionnalisé, soutient-elle.
Des approches éloignées du dialogue social
Les divers intervenants qSourceui représentaient les partenaires sociaux avaient plutôt des approches très diversifiées, voire éloignées, sur le dialogue social. Pour M. Abderrahmane Lahga, représentant de l’Ugtt, l’objectif du Conseil national du dialogue social est de promouvoir l’Homme et non pas d’atteindre les équilibres macroéconomiques. Un objectif que le gouvernement a fixé et essaye d’atteindre, soutient-il. Il a évoqué, à cet effet, l’exemple de l’état de l’économie tunisienne avant 2011, où il y avait un taux de croissance assez élevé, un déficit budgétaire presque nul et un taux d’endettement faible. Tous ces indicateurs macroéconomiques qui dénotent la bonne santé de l’économie vis-à-vis des institutions internationales n’ont pas empêché le déclenchement d’un soulèvement en 2011, affirme-t-il.
Pour M. Abdelmajid Zar, président de l’Utap, le Conseil national du dialogue social n’est pas représentatif de la société tunisienne, dans la mesure où tout un secteur, en l’occurrence le secteur agricole, n’est pas assez représenté. Pourtant, il est considéré comme l’un des piliers de l’économie nationale et constitue tout un pan de la société tunisienne, soutient-il. Pour M. Zar, les émeutes de 2011 puisent leur origine dans la marginalisation des régions considérées comme agricoles par excellence.
« L’exclusion du syndicat des agriculteurs des négociations sociales depuis l’indépendance a engendré une marginalisation des régions qui sont agricoles en premier lieu. Le modèle du Conseil national du dialogue social adopté par la Tunisie est inspiré du modèle adopté par l’OIT. Cependant, il ne faut pas sacraliser ce modèle et le considérer comme définitif, il faut prendre en considération la composition de la société tunisienne qui comporte en grande partie des zones rurales où il y a d’autres types de défis à relever. Dans le secteur agricole, il ne s’agit pas de relations interprofessionnelles traditionnelles employeur-employés, mais il est question plutôt d’autres formes de relation professionnelles», souligne le président de l’Utap.
Pour le représentant de l’Utica, M. Khalil Ghariani, la question de la représentativité est cruciale. « Il n’est pas question de donner ne serait ce qu’une place pour une organisation non représentative au sein du Conseil national du dialogue social. Cela va nous ramener à une situation perverse, irréelle et va impacter l’efficacité du dialogue social », avertit M. Ghariani.
Au sujet de la représentativité tant controversée, Dr Hafedh Lamouri a fait savoir, lors de sa présentation des grandes lignes de l’étude en cours de réalisation, qu’il est indispensable de fixer des critères de représentativité dans le cadre d’un décret promulgué. En effet, il est à souligner que la Tunisie a choisi le modèle du dialogue tripartite, en guise de conformité aux normes internationales élaborées par l’OIT.
Les forces intermédiaires comme vecteurs de paix sociale
En se référant aux expériences étrangères, Thiébaut Weber, représentant de la Confédération européenne des syndicats (CES), a valorisé le rôle qu’a joué le dialogue social dans la restructuration des grands projets engagés au sein de la communauté européenne qui était en train de s’organiser en une seule entité. Il a expliqué que l’enjeu était alors de mettre des règles sociales communes au sein de l’UE.
Pour ce faire, les autorités ont fait immanquablement confiance aux syndicats pour mettre en place un marché commun. Les syndicats patronaux ou de travailleurs étaient des codécideurs non seulement de la norme sociale européenne, ils étaient également des protagonistes lors des débats sur de nouveaux enjeux comme la transition économique ou écologique, soutient-il.
En citant l’exemple du mouvement social des Gilets jaunes qui a éclaté récemment en France, Thiébaut Weber a fait savoir que le président français a appelé à le rescousse des forces intermédiaires qui sont les syndicats pour négocier après avoir essayé une relation directe avec des « foules » diversifiées. «Les Gilets jaunes représentent un melting-pot de revendications mixant entre le social et l’économique. Le président français était en face d’un mouvement très spécifique, outre son caractère 4.0, parfois son caractère violent. Il s’est retourné vers les forces intermédiaires pour dialoguer avec ces foules».
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