Par Kamel Amghar
L’intégration maghrébine, on en parle sans y croire vraiment. A force d’être débattu sans conviction, le projet s’enlise chaque jour un peu plus. En 1988, au sommet de Zéralda (Algérie), le climat était nettement plus propice à cette construction. Aujourd’hui, 22 ans plus tard, on est paradoxalement bien loin du compte. Qui n’avance pas recule. Les cinq pays de l’UMA n’arrivent manifestement pas à accorder leurs violons sur cet impératif fondamental pour l’ensemble de la région nord-africaine. Il est clair qu’un Maghreb uni et solidaire pèserait mieux sur la scène internationale. La concrétisation d’un tel ensemble permettrait non seulement de conclure des accords économiques avantageux avec d’autres organisations régionales et multilatérales, mais participerait aussi au développement des échanges inter maghrébins. Pour garantir le succès d’une telle entreprise, il doit y avoir des valeurs communes, des objectifs partagés et une ambition égale à créer un espace qui garantirait les intérêts de chaque partenaire. Faute de volonté, on peine à définir ce socle «basique» sur lequel on devrait bâtir l’union promise. Outre la question du Sahara occidental, il y a d’autres écueils à surmonter pour déblayer le terrain. Avant l’ouverture des frontières et la suppression des visas d’entrée, on doit – par exemple – s’entendre sur des questions essentielles comme la sécurité. Durant les années 1990, les groupes islamistes armés (GIA), qui ont mis alors l’Algérie à feu et à sang, avaient publiquement établi leur base arrière au Maroc. Ils commettaient des attentats en Algérie et se réfugiaient immédiatement après de l’autre côté de la frontière pour échapper aux poursuites des forces militaires algériennes. Au lieu de mettre la main à la pâte pour sécuriser la région, le roi Hassan II imposa, en 1994, le visa aux touristes algériens qui affluaient par milliers vers les stations balnéaires de ce pays voisin. Cette décision unilatérale, faussement motivée par une crainte de «contagion» terroriste, a été vécue comme une humiliation par l’ensemble du peuple algérien. Dans ce même registre, on doit également ajouter l’épineux problème du trafic de drogue, étant donné que le Maroc est connu pour être le premier producteur mondial de haschich. Pour des raisons historiques et sociales qui lui sont propres, le royaume tolère la culture du chanvre indien, et ses narcotrafiquants ont des ramifications qui vont jusqu’en Europe et au Moyen-Orient. Les trafiquants d’armes, les contrebandiers et les «négriers» de l’émigration clandestine, qui pullulent dans cette région frontalière, profitent aussi de cette étrange passivité des autorités marocaines. Dans un tel climat, l’union resterait pour longtemps impossible à concevoir. Faisant fi de toutes ces considérations, les officiels marocains appellent épisodiquement à la réouverture du poste frontalier entre les deux pays. Agir de la sorte en rejetant toute la responsabilité de cette triste situation sur la partie adverse revient à faire preuve d’une incroyable mauvaise foi. Evidemment, l’intégration maghrébine passe inéluctablement par la pacification et la sécurisation totales de la région. La résolution durable du conflit sahraoui constitue en ce sens un autre préalable à la redynamisation réelle de l’UMA. La communauté internationale et les peuples maghrébins ont compris que la prospérité tant souhaitée passe justement par le règlement de tous ces contentieux. Dire une chose et faire son contraire n’avance pas la cause des peuples frères du Maghreb.
La Tribune Online, 7/7/2010
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